Correspondance by Peyrefitte Roger

Auteur:Peyrefitte Roger [Peyrefitte Roger]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Guerre mondiale 1939-1945, Homosexualité
Éditeur: Robert Laffont
Publié: 1983-10-31T16:00:00+00:00

LXXXIII

Henry de Montherlant à Roger Peyrefitte

(Nice) 29 janvier 1941

Mon cher,

Huit jours de lit n’ayant pas fait baisser le thermomètre, on m’a fait un peu sortir, et la température est baissée. Je vais aujourd’hui à la radio. Peut-être ensuite prise de sang. Tout en dépend. En tout cas la situation est meilleure que l’autre jour.

Ma récente sortie me porta à mon alcôve (1)... et je trouvai Abeille (2) sur le trottoir, comme si elle m’attendait, nuit et jour, depuis quinze jours que je n’y avais été ! Le plus profond de mes rayons, que je dardai en elle, la récompensa d’une si longue patience.

Fantaisiste Nature, imprévue en ses dons !

Elle est abeille, et moi j’ai l’aiguillon.

Ce court petit mot est pour vous demander un service. Eos (3) vous a écrit, je suppose. Ce serait, dans votre réponse, de dire que vous allez retourner à Paris : de le dire comme si c’était sûr. En effet, je redoute maintenant qu’on ne cherche à s’accrocher ici, et la situation – mélange de plaintes et de demandes – ne peut pas durer. Dites (puisque probablement vous allez répondre à Eos) que vous avez les meilleurs renseignements sur Paris : faites-le finement ; vous les savez fines : il ne faut pas qu’elles soupçonnent la cause de ce renversement de vapeur. Mais surtout, si vous dites que vous y allez, que vous êtes presque sûr d’y avoir une occupation sous peu, elles se sentiront moins isolées là-bas et iront avec plus de confiance. D’ailleurs, en principe, je rentre moi aussi, mais cela dépend du médecin.

La pensée de Dea (4) comprenant qu’elle est mieux à Nice, et n’en voulant plus partir, et en même temps me laissant entendre : « C’est à cause de vous que je suis ici, où je ne peux pas trouver de travail, donc payez éternellement » est de celles qui doivent être dissipées.

Dans quelques jours une lettre plus longue.

Dea est tout à fait remise.

A vous.

(1) Sa garçonnière de Nice. (2) Le garçon « doux comme le miel ». (3) Roro-l’Aurore. (4) « La déesse », – la mère. – R.P.

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